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Enois Scroggins - Funk-E (Chronique + Interview)

  • Publié par Mista JpKoff
  • mer 05 mai 10 - 13:13
  • Funk
  • Genre: music

CHRONIQUE

C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes... Attention, je ne me permettrais pas de traiter Enois Scroggins de vieux pot, mais ses récentes aventures musicales ne font que confirmer le dicton. Vieux pot peut-être, mais ingrédients tout frais! Depuis qu'Enois a lié contact avec son parolier français Oliv', le funkateer sexagénaire semble être en pleine cure de jouvence. Comme vous l'apprendrez dans l'interview ci-après, la vie et l'industrie musicale n'ont pas toujours été très tendres avec lui, et ce n'est qu'un euphémisme. De déboires en déboires, il a même un temps renoncé au Funk pour se consacrer à sa paroisse et au Gospel. On peut donc remercier Oliv' de nous avoir permis de bénéficier du talent d'un des nombreux joyaux cachés de l'Amérique. Avoir déniché Enois n'était pas suffisant : fort de ses contacts avec la jeune scène Funk et G-Funk française, Oliv' a mis en place le cocktail détonnant qui fait du bien à nos oreilles! Le vécu et la voix d'Enois Scroggins couplé aux instrumentaux sans défauts d'une génération de youngsters qui a assimilé tout le meilleur de trente années de groove intensif. L'année dernière, c'est MisterAS qui s'est attelé à la tâche pour produire l'intégralité du premier volet de l'aventure frenchy d'Enois : "One For Funk & Funk For All", déjà une franche réussite. Cette année, Enois et Oliv' se sont également adjoint les services de Wadz (6 beats), Sovan (3), Stereo (2), Spanks & Bones, First Touch et Fianso à la production.

Résultat, l'album "Funk-E".

8 producteurs, mais une ambiance remarquablement cohérente. Des rythmiques à se casser la nuque, des handclaps à foison, des basses pachydermiques, des guitares sautillantes et des lignes de synthé élastiques à souhait, telle est la recette classique et classieuse que l'on retrouve tout au long de l'album. Mais la star de Funk-E reste quand même Enois. A ce titre, Uncle Remus est sans doute la chanson emblématique de l'album. Oncle "E" revient sur l'aventure vécue dès la fin des années 70 avec son groupe éponyme, the storytellers of music. La voix pleine d'émotion, il se souvient avec énormément de nostalgie : oh how i miss the late seventies, it was the good ol'days / i reminisce the late seventies when i was singing with my peeps / uncle remus was our name unfortunately we never knew no fame / but we were the funkiest band and nothing could stop me and my friends / we never stopped partying playing music til the early morning / ladies couldnt help from dancing when they saw us performing. D'autres souvenirs émaillent une des meilleures chansons de l'ensemble, le terrible "Funkafied", où Enois explique son amour et son dévouement au Funk depuis l'époque du Hope Band de Muskogee (voir interview)... le tout sur un beat démentiel de Sovan dont la basse a déjà provoqué quelques crises de nerfs parmi mes voisins de palier! Les déboires personnels d'Oncle "E" trouvent leur écho dans "Please Dont Give Up", chanson pleine d'espoir invitant la talentueuse chanteuse R&B Lynsun. Le duo Enois/Lynsun fonctionne si bien qu'on le retrouve à plusieurs reprises, notamment pour revisiter le thème récurrent du Funk et du R&B, l'amour ("You Need Love" et "Solid"). Parmi un ensemble d'une remarquable cohérence, je ne peux m'empêcher de citer également le très frais "Satisfied" qui trouvera une place de choix dans l'autoradio avec la belle saison, ainsi que "Cutie Pie", duo au groove sensuel avec Winfree, fourni d'une rythmique bien fat.

Enois Scroggins a galéré, c'est vrai. Malgré les désillusions et les vaches maigres, il a su reprendre goût à la vie, puis à la musique. Son espoir n'a pas été vain, puisque comme il l'explique dans "One More Time", il est de retour pour de bon! On peut espérer que la collaboration Oncle "E" / Oliv continue de porter ses fruits : associés à des producteurs d'une telle qualité, le résultat ne peut qu'être à la hauteur.

 

INTERVIEW

Q : Tout d'abord, merci Enois pour toute cette bonne musique que tu nous fais partager depuis deux ans, et merci également de prendre le temps de répondre à ces quelques questions. Voici la première. Comment as-tu rencontré ton parolier actuel Oliv', et plus généralement, comment en es-tu venu à travailler avec cette armada de producteurs français?

R : Je suis toujours heureux de partager mes idées et mes histoires avec mes amis français! Oliv m'a contacté via ma page Web Gospel après avoir écouté mes chansons et lu ma biographie. Il m'a demandé si le gospel était le seul style musical que je pratiquais. Je lui ai répondu que je pouvais tout faire! Cette question était très importante pour moi, cela m'a permis de décider que le Funk et le G-Funk était le style de musique que Dieu avait choisi pour moi, pour que je puisse toucher des gens aux goûts variés, tu vois. Attention ne te méprends pas, j'aime le Gospel de tout mon cœur, c'est la musique que je surnomme "Les bonnes nouvelles". Mais j'avais besoin d'une plus grande plate-forme pour pouvoir toucher mon auditoire au-delà des murs de l'Église. Ces gamins qui font ce genre de musique, Funk ou G-Funk, ce sont des jeunes formidables... Est-ce que je peux les toucher sans forcément prêcher? Oui, parce qu'il s'agit de quelque chose de Spirituel, qui est caché dans la musique, et dont je suis le Messager. Je leur ramène le Funk pur et non édulcoré, juste comme ils l'aiment, et l'Esprit fera le reste! Désolé, je m'égare un peu! Pour en revenir à ta question, j'ai rencontré Oliv sur Internet, il m'a présenté ce jeune producteur, MisterAS. Oliv a ce don de connecter les gens! La première chanson que nous avons faite ensemble s'appelait "Worry", sur un beat de Wadz. J'ai écrit les paroles et produit la partie vocale, et c'est cette chanson qui a démarré la machine! Ils ont adoré le produit fini, et ils ont commencé à se demander "mais qui c'est ce gars? qu'est-ce qu'il a fait?"

Q : Ces deux dernières années, tu as énormément travaillé au sein de la scène Funk/G-Funk française et internationale, pas seulement pour tes propres albums mais aussi pour de nombreux projets, dont l'album en hommage à Roger Troutman, Roger Revisited, la compilation Chromatiks, l'album de Double KO et celui de Wadz. Qu'est-ce qu'un funkateer expérimenté comme toi ressent en travaillant avec tous ces gamins? Etait-ce difficile de s'adapter à leur style ou est-ce que cela t'es venu naturellement?

R : Man, j'ai eu le plaisir de travailler avec certains des jeunes gars blancs les plus funky que j'aie jamais rencontré! J'ai été totalement bluffé par la maturité de ces gamins! Ils ont étudié le funk dès leur plus jeune âge, Dieu les a préparés à me rencontrer, moi Oncle 'E', pour réaliser cette connexion funky en France et exposer cette relation à l'Ouest! C'est quelque chose de merveilleux, donc tu vois je n'avais aucune appréhension par rapport à un clash de styles, parce que ces gars étaient déjà funky! C'est un mariage qui était destiné à avoir lieu, tu vois? Je dis ça à propos de moi-même, tout comme l'amour que je porte aux gens en général, peu importe la race, la religion, je te prends dans mes bras comme un ami... et c'est la même chose pour la musique, je peux m'adapter à n'importe quel style, et tous ces styles deviendront une partie de moi-même, Enois.

Q : Sur ton nouvel album, il y a une chanson qui s'appelle "Uncle Remus" dans laquelle tu dédicaces les membres de ton ex-groupe de Baton Rouge, Louisiane, dont tu étais le chanteur principal à la fin des 70s. Tu sembles être assez nostalgique de cette époque-là. La plupart des visiteurs de 187prod ont la vingtaine, voire une petite trentaine, donc peux-tu nous en dire un peu plus à propos d'Uncle Remus, ses débuts, son style, ses influences?

R : Le groupe Uncle Remus a été fondé à Muskogee dans l'Oklahoma, après que le groupe "Hope Band" se soit séparé.. Leon McCormick, qui était le bassiste et leader de Hope Band, a appelé certains de ses copains de l'université Grambling. Ils avaient un groupe appelé "Speed Limit 225". Il a appelé ces gars dans tous les Etats-Unis et ils sont venus à Muskogee pour former le groupe Uncle Remus. On jouait dans tous les environs de Muskogee mais la plupart du temps, on prenait notre temps pour nous entraîner, devenir un groupe plus solide et préparer un show mortel. On a fait ça pendant environ deux ans, ensuite on a déménagé à Baton Rouge, en Louisiane. C'est là qu'on a débuté notre carrière professionnelle. Le nom "Uncle Remus" vient d'un personnage fictif de fables datant du temps de l'esclavage. Uncle Remus était un conteur. Osee Anderson le guitariste principal du groupe nous a proposé ce nom, on a tous accepté et on est devenus "Uncle Remus les conteurs de la musique" (Uncle Remus the storytellers of music). J'ai eu énormément de mal à faire cette chanson après qu'Oliv et moi en ayons parlé. Il a écrit les paroles et j'ai dû la chanter en me déversant littéralement dans la chanson. Je me souviens de beaucoup de moments très difficiles, des moments qui m'ont vraiment blessé. Mon boulot en tant que chanteur était toujours remis en question. Un des plus gros promoteurs du Sud des États-Unis a dit à notre manager que le groupe ferait mieux de se séparer de moi. Ce gars, W.G. Garrison est celui qui a permis à notre guitariste de l'époque Charlie Singleton de trouver une place avec Cameo. Je ne sais pas pourquoi je dis ça, mais à cause de tout ce qui a été dit sur moi, j'ai commencé à lentement quitter cette scène Funk. Cette chanson sur mon nouvel album est une sorte d'exutoire pour moi, elle m'aide à guérir après m'être résigné pendant des années. C'est un peu ma façon de dire à W.G. Garrison "regarde, je suis de retour et je suis toujours debout". Dieu m'a donné la force de pardonner, Il m'a préparé pour ce jour. "The Funk is getting ready to roll", j'ai juste envie d'en faire partie avec certains des plus grands, James Brown, Rick James, George Clinton et le P-Funk, Sly Stone, Cameo, GAP Band, Quincy Jones etc...

Q : J'ai consulté ton curriculum, qui est assez impressionnant... Tu as travaillé avec Branford Marsalis, Ronnie Wilson, Charlie Singleton et bien d'autres. Je suis certain que tu as toute une vie de souvenirs à partager, en tournée ou en studio... Laquelle de ces légendes t'as le plus impressionné? Dans quel groupe t'es-tu le plus amusé?

R : Uncle Remus était le groupe le plus marrant! Mon Dieu, je me rappelle qu'on avait été engagés une semaine dans ce club, à Mobil dans l'Alabama. Au moment de nous payer, le patron nous dit "les gars, il va falloir que je réduise votre cachet à cause du public" Qu'est-ce qu'il avait pas dit!! Quand on est partis, une partie de leur matos est parti avec nous! Certains d'entre nous n'étaient même pas au courant de cet "emprunt". En partant, on a été pris en chasse par deux voitures, dont deux gars qui portaient des armes à feu! on était terrifiés! Juste une petite histoire de tournée quoi!

Pour moi, Charlie Singleton est l'une des personnes les plus fascinantes que j'aie jamais rencontré. Il est arrivé dans le groupe après que notre précédent guitariste ait déménagé. Ce gars est l'un des plus doués et talentueux au monde. Un génie de la musique. Il chante, joue tous les instruments qui puissent exister, il a même mis au point sa propre guitare et son étui! Je dis ça parce qu'à l'époque, je l'aidais à porter ce machin très très lourd. Aujourd'hui, lui et moi sommes amis, et il était très heureux de savoir que j'étais de retour dans le circuit.

Q : Depuis près de 15 ans tu as dévoué ton existence à Dieu en tant que prêcheur. De nombreux chanteurs de R&B et de Funk ont également suivi cette voie. Beaucoup d'entre eux ont utilisé la religion comme un moyen d'éloigner leurs vies des excès qui vont souvent avec le Funk et la renommée (sexe et drogue en particulier). Est-ce que la religion t'a aussi sauvé la vie, ou elle faisait partie de toi depuis le début?

R : En 1985 j'ai choisi la bonne direction. Jésus est mon Seigneur et mon sauveur. Je crois qu'à cette époque c'était vraiment la bonne chose à faire pour sauver ma vie. Il y avait beaucoup de drogue, j'étais dépressif, je pensais au suicide. On était sur le point de signer un gros contrat d'enregistrement, et c'est tombé à l'eau à cause d'un mauvais management. C'était un peu comme si on m'avait volé mon rêve et qu'il n'y avait plus de futur possible. J'ai embrassé la religion pour retrouver l'estime de moi-même, pour me reconstruire et me redonner un état d'esprit positif, un état d'esprit dans lequel "avec Dieu tout est possible". Il faut continuer à croire en soi-même et il n'est jamais trop tard pour parvenir au succès!

EXTRAITS

COMMANDE

Les deux albums d'Enois Scroggins peuvent être commandés à 12€ pièce sur le site 187prod.com via la page suivante : http://www.187prod.com/forum/viewtopic.php?f=60&t=1795

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